Marrakech : un détour sans rappel

 


    Après avoir hésité un nombre incalculable de fois à repousser notre départ d’Oukaïmeden, nous prenons finalement la route en direction de Zaouiat Ahansal et Taghia le mardi 4 octobre aux aurores. Nous avions plusieurs missions à remplir avant notre prochaine destination : acheter une carte précise de Zaouiat pour ne pas nous perdre dans le massif en y cherchant le pied des voies, une ressource rare mais dont d’après nos informations nous devrions pouvoir trouver un exemplaire à l’hôtel Ali situé sur la place Jemaa el Fna de Marrakech, faire des provisions de produits « transformés » dans un supermarché et le reste dans un souk, se refaire une beauté (enfin… prendre une douche !), faire une lessive, le plein d’eau ainsi que remettre le camion en ordre. Le détour par Marrakech s’est alors imposé à nous comme une évidence mais s’est finalement révélé être une véritable épreuve. Le contraste avec le calme et la fraicheur des montagnes que nous venions de quitter fut pour le moins violent. La circulation, le prix des denrées, les touristes, les singes en laisse, les charmeurs de serpents, tout nous est apparu comme pure folie et le malaise est monté en nous plus vite que la température extérieure.

une palmeraie dans un pâle état

    Conduire dans Marrakech relève de l’exploit : quand il ne s’agit pas d’éviter les motos qui doublent par la droite il faut éviter les automobilistes impatients qui le font par la gauche, tout comme les piétons audacieux, les vélos ou encore les attelages. Au Maroc, les deux seules règles à respecter au volant sont le feu rouge et la vitesse car la gendarmerie royale est partout, pour le reste « yalah ! » comme on dit ici. Il n’est d’ailleurs pas question de rêvasser audit feu rouge, les klaxons se mettant à chanter de tous les côtés aussitôt celui-ci passé au vert. Les lignes blanches, continues comme discontinues, sont sûrement le fruit de notre imagination et il n’est pas rare de se retrouver à trois véhicules pour deux voies, qu’il s’agisse ou non de double sens. Néanmoins, l’exploit fut accompli et nous avons pu garer notre véhicule non loin du centre.

    Se nourrir au Maroc ne revient a priori pas cher, mais encore faut-il éviter les zones commerciales et grandes surfaces. Entre les prix pratiqués par notre petit épicier à Oukaïmeden comme au souk de Setti Fadma et ceux de ces dernières il y a un gouffre énorme, le tarif approchant voire dépassant pour certains produits celui de chez nous. Nous sortons toutefois de là avec tout ce dont nous avons besoin… et une note que nous qualifierons de salée en comparaison à ce que nous avons payé jusque-là.

    Nous essayons d’oublier ça d’un claquement de doigt et direction la Medina pour la carte et le reste. Notre arrivée sur la place Jemaa el Fna est accompagnée de bus de touristes qui se dirigent tous vers l’hôtel Ali pour échanger leur monnaie… sentiment d’abattement… vite remplacé par le soulagement en découvrant l’autre file d’attente, presque vide, correspondant à l’accueil de l’hôtel. Dix minutes suffisent pour que nous nous retrouvions dans le grenier de ce dernier en train de fouiller dans les cartes disponibles avec la clé, la personne en charge de l’accueil étant retourné à son poste en voyant que l’affaire s’éternisait. Nous déroulons toutes les cartes, deux fois de suite, mais nous ne trouvons malheureusement pas notre bonheur… un échec d’autant plus dur à avaler que c’est cette carte qui nous a décidé à venir à Marrakech.

le fourmillement des quartiers modestes

le vide autour d'un hôtel de luxe

     A la sortie de l’hôtel nous traversons la place pour rejoindre les petites ruelles parallèles en espérant pouvoir acheter nos fruits frais comme secs ainsi que nos légumes au souk et quitter cette ambiance surfaite où vous pouvez approcher des singes dressés, vous faire prendre en photo avec un serpent ou encore faire tourner le commerce de balade en calèche où les chevaux, pour beaucoup dans un état de santé déplorable, patientent toute la journée les uns derrière les autres en plein cagnard. Les deux premières rues arpentées ne nous donnent pas satisfaction, occupées par la vente d’objets en tout genre (cuir, argent, tissus) mais non alimentaire, et nous devons nous éloigner bien plus profondément dans le dédale de ruelles pour trouver celles où les locaux font leur marché. Nous mettons la main sur ce que nous cherchions mais repartons déçus par le comportement des commerçants qui profiteront tous, sauf le vendeur de légumes (merci à lui !), du fait que nous soyons étrangers pour nous soutirer quelques dirhams voire dizaines de dirhams supplémentaires, chose à laquelle Oukaïmeden et ses environs ne nous avaient pas habitués. Cela fait partie des situations pour lesquelles nous regrettons de ne pas parler arabe… il y a celles où nous faisons de sympathiques rencontres évidemment, celles où nous aimerions pouvoir expliquer ce que nous sommes en train de faire, ce voyage d’un an, et justifier le fait que nous ne pouvons pas troquer ou donner tout ce que nous avons dans notre camion (note pour plus tard : revenir avec des chaussures, des fringues ou encore des sacs à dos ; cahiers, feuilles et stylos sont également les bienvenus), celles où on se paye notre tête en pensant sûrement que ça passe inaperçu mais où nous n’avons pas les mots pour faire comprendre à nos interlocuteurs que ça nous paraît un peu cher pour des bananes ou des noix de cajou, surtout dans un pays où aucun prix, mis à part dans les grandes enseignes, n’est affiché.

le fameux sentier de notre "camping"

    Soulagés de pouvoir enfin quitter ce lieu qui nous a épuisé psychologiquement, nous marchons d’un pas rapide pour récupérer notre maison roulante et filons vers le camping que nous avions repéré précédemment, légèrement excentré de Marrakech et sur la route pour Zaouiat Ahansal. La périphérie ne ressemble en rien au centre-ville : des terrains vagues à pertes de vue parsemés de petits bidonvilles ou de quartiers modestes. Le bout de la piste laisse finalement place à une enceinte murée au sein de laquelle un véritable petit havre de paix a été pensé. Bien que ce dernier soit de très bon goût, nous ne pouvons nous sentir autrement que dans une forteresse où ceux qui sont dedans n’ont pas conscience de la détresse du dehors. L’ensemble est organisé autour d’une très grande piscine extérieure rectangulaire accompagnée de son bar, des sanitaires et de petits emplacements sur chaise longue ou sous tente très cosy, verdoyants et ombragés. Au fond et sur la partie gauche de celle-ci se trouvent un restaurant et un hôtel trois étoiles, devant et sur la partie droite, un sentier voûté par des plantes grimpantes et du jasmin fait office de séparation avec les places de stationnement pour camping-car, une manne supplémentaire à peu de frais pour ce complexe de luxe. Organisées en L ces dernières sont aérées et les gravas alternent avec les oliviers. On se demande ce que nous faisons ici avec notre camion sans eau courante ni électricité et nos fringues au moins aussi douteuses que celles des plus démunis… l’endroit attire plutôt les personnes aisées de Marrakech ou de passage désireuses de trouver un peu de fraicheur tout en sirotant quelques cocktails quitte à fermer les yeux sur les derniers 200 mètres de quartier traversé. Nous avons évité la piscine pour laquelle il fallait au préalable demander au bar à être « placé », entendez par là « pour profiter de la piscine il faut consommer ». Nous avions bien d’autres choses sur le feu et aucune envie de nous mélanger à la clientèle. L’endroit nous aura tout de même permis de faire tout ce que nous avions prévu et de nous reposer avant de nous remettre en route vers notre prochaine destination.

    C’est le genre de détour coûteux économiquement et moralement mais qui nous conforte dans la vision commune que nous avons de ce voyage, notre ressenti respectif sur les lieux que nous découvrons et les personnes que nous rencontrons coïncidant parfaitement. Pourvu que ça dure !

    Fin de l’épreuve, adieu Marrakech.

    Nous avons finalement choisi de faire un autre détour avant Zaouiat Ahansal (nous y sommes depuis cinq jours seulement), très heureux celui-ci, l’histoire fera l’objet d’un prochain post. En attendant, sachez que c’est avec grand plaisir que nous prenons régulièrement connaissance des commentaires que vous nous laissez, merci. D’ailleurs à ce sujet n’oubliez pas de signer, on commence à avoir beaucoup de messages anonymes et de plus en plus de mal à deviner de qui il s’agit.

 

NB : Pour ceux qui ne l’auraient pas déjà remarqué, nous avons créé une page « VIDEOS » au sein de laquelle nous avons posté quelques réalisations captées à Oukaïmeden.

Commentaires

  1. Eh oui, le voyage n'existe plus vraiment, galvaudé, transformé en "tourisme" tout simplement. Et quoi de plus logique pour un peuple sans le sou que d'en profiter... C'est partout pareil, il faut fuir villes et haut-lieux touristiques (malgré leur haute valeur historico-culturelle) si l'on veut vraiment goûter au voyage et aux belles rencontres, je vous fais confiance pour ça ! Bon vent les ami-e-s ! bravo pour ces magnifiques lignes aussi !.. alex

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